Censure catho : deux historiens traînés en justice pour avoir émis des doutes sur l’authenticité de l’anneau de Jeanne d’Arc racheté par Philippe de Villiers

Deux historiens médiévistes ont été traînés en justice en 2016 par Philippe de Villiers et l’Association pour la mise en valeur du Château et du pays du Puy du Fou. Le militant catholique et fondateur du parc du Puy du Fou a attaqué les historiens William Blanc et Christophe Naudin en diffamation, suite à la publication d’une tribune dans laquelle ils critiquaient l’instrumentalisation politique de la figure de Jeanne d’Arc et émettaient des doutes sur l’authenticité de l’anneau de Jeanne d’Arc racheté par Philippe de Villiers. Au terme d’une bataille juridique qui aura duré quatre ans, les deux médiévistes ont été relaxés par le Tribunal de Versailles, et ils prennent la parole pour dénoncer « cette judiciarisation du débat historique » qui a « nui à [leur] liberté de chercheurs« .

Comble de l’ironie : la semaine dernière, Philippe de Villiers dénonçait sur Europe 1 « la cancel culture, l’intersectionnalité et le néoféminisme » qui veulent « détruire » la France.

William Blanc et Christophe Naudin ont publié une tribune sur le site de Mediapart. Extraits :

« Pendant ces longues années de procédure, nous avons décidé, sur conseil de notre avocat, afin que les tribunaux puissent faire leur travail dans un environnement serein, de ne pas nous exprimer publiquement, de ne pas faire de ce procès une affaire médiatique et politique. En plus du poids psychologique et financier que nous avons supporté, ce long silence sans doute nécessaire a pourtant nui, de fait, à notre liberté de chercheurs. Il nous semble indispensable aujourd’hui, l’affaire close, d’en informer le public.

En effet, cette judiciarisation du débat historique, que l’on voit aussi se développer dans d’autres pays, y compris en Europe, a de quoi nous alerter, d’autant que le monde de la recherche est sous le coup d’attaques inédites et pour le moins inquiétantes, y compris de la part de membres du gouvernement, et qu’il subit de plein fouet les contrecoups de la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR). Pourquoi faire ainsi appel aux tribunaux au lieu de se placer sur le terrain des idées et du débat scientifique où chaque partie est libre, dans le respect des règles, d’exprimer ses opinions et conclusions appuyées sur des pièces et documents solides ?

Dans ce contexte, nous appelons l’ensemble des historien·ne·s, des archéologues, des archivistes, à créer et diffuser le plus largement possible (livres et articles de vulgarisation, sites, vidéos, conférences, débats, threads twitter, tchats sur twitch, etc.), une connaissance scientifique du passé, à expliquer leur travail au plus grand nombre et à militer pour que soit créé un vaste service public de l’histoire, destiné à faire connaître les sociétés anciennes et leur histoire. Celui-ci aurait pour but d’aider nos contemporains à prendre de la distance lors de débats que nous qualifions de mémoriels de plus en plus vifs et instrumentalisés politiquement, ou tout simplement, à partager avec eux le plaisir de se plonger dans une histoire, sérieuse, documentée et de qualité accessible à tou·te·s. »

(Sources : Mediapart et Europe 1)

 

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